Articles

Affichage des articles du 2012

Visages de l’Echelle de la Chaise et du Feu de Serge Pey

XI Mére encore maintenant que je suis mort veux-tu       scier mes pieds pour   les    faire pousser dans la terre Mon visage avale ton ombre en mettant le feu au feu et la pierre à   la pierre et fait tourner un serpent comme         un cerceau de peau Car mon nom  a besoin d’un visage pour que   je    puisse l’appeler dans   le    plein minuit de la lumière Mon père fait un trou dans le jour et crie  avec  un verre d’eau dans   la    main gauche et    une   torche dans la droite Mon père met   le   feu   au paradis et   veut  éteindre l’enfer car   il  a   trouvé ce qu’il cherchait sur  la  frontière fragile qui sépare le mot d’un mort Ressusciter c’est enterrer les mots sous la ville et     faire   des verbes avec les morts Mon père lave ses pieds dans sa propre salive Chaque jour il rec

"Pointe des pieds sur le balcon" d'Albane Gellé

debout   première   fois   marchant tenir  un  enfant   par  l'enfance  en mouvement de trapéziste laisser sa                                                         main lâcher ma main. * Lunettes  pas  noires  et  quatre   à quatre      les    escaliers    grimpant glissant     le souffle   court    souffle coupé   souffle   essoufflé poumons                                                        épaules colonne droite vertébrale *  En  paix  debout  milieu  chaos  les choses pourtant s'accordent vite je te nous verse des paysages dans la gorge      pour    une   voix     large                                                        redressant les hommes et bêtes. Albane Gellé " Pointe des pieds sur le balcon " Editions La Porte Contact pour commander un recueil ou vous abonner (20 euros pour 6 numéros) :  Yves Perrine , 215 rue Moïse Bodhuin , 02000 Laon.

"Dans la poigne du vent" de François-Xavier Maigre

Aujourd'hui encore j'aime janvier pour la franchise de sa morsure cette insidieuse adresse à creuser mes phalanges cette décharge blanche à poumons tirés cette soie tranchante qu'il faut passer au corps cet avant-goût lointain de ciel cette façon brutale de me dire réveille-toi écris tant qu'il est l'heure écris! avant de pourrir et de ne plus en avoir besoin écris... ***** L'enfance des paysages, Ce sont ces heures précoces où le temps balbutie Ces grands volets qui grincent sous des doigts porcelaine Ces champs de tournesols hésitant à s'ouvrir Et ces brèves lueurs qui finissent un jour Dans nos poèmes. François-Xavier Maigre Dans la poigne du vent Éditions Bruno Doucey http://fxmaigre.blogspot.com/

77 poèmes et des poussières d'Olivier Cousin

FACE A L'IROISE A la pointe sud-ouest d'Ouessant lande où le mauve s'acharne sur le vert une parcelle parfaite d'Armorique pour relire Beckett et ses hommes sans voie En mire rayonne un roi chahuté par les flots Le phare de la Jument à la rouge couronne guide de son sceptre-spectre de majesté les insolents qui tentent encore d'aller oublier le monde à Tír na nÓg Sur le continent à la renverse du soleil d'été entre Saint-Samson et Penfoul la mer ne veut rien partager avec la lande Elle talocherait les rochers recouverts de giroflées sauvages s'ils n'étaient placés sous la protection  de saint Conservatoire-du-littoral Parfait que c'est - matt pell' zo - pour replonger dans les pages d'Yves Elléouët Un vieux ciel zébré de rose tire sa révérence à la petite fontaine votive sur la dune et à la source qui n'arrive pas à se faire entendre - Qui la prendrait au sérieux dans ces parages? Comme si saint Samson pissotait

"X fois la nuit" de Patricia Castex Menier

L'aurore est son objet d'orgueil, tel un enfant si différent, qu'on a pourtant tiré de soi ***** Le jour est trop contraire : elle n'a pas de frère. Seuls Les deux crépuscules Sont princes de même sang. ***** La bienveillante, la bannie, celle que les maîtres ont bafouée, au nom de quelle lumière? ***** Sa piété, la première à s'avancer : bien avant nous elle a posé le pied sur les champs de bataille et reconnu les corps. ***** L'aurore au moins serait son petit mené à terme. Mais elle beugle déjà, c'est l'incendie dont elle accouche : les missiles ont éventré sans sommation les grandes étables du ciel ***** Les assassins auparavant l'avaient conduite au taureau de leur orgueil. Gésine ensuite qu'on surveille sur les cartes puis bombes mises bas. ***** Sanie

« des cailloux qui flottent » de François de Cornière

VOILA Par la fenêtre de mon bureau un cerisier un mur et des immeubles. Ecrire pourtant mon horizon. * Le soleil donne sur le tapis. Ma chienne sursaute après les mouettes. Et moi après les mots. * Rangée de livres derrière ma tête contre le mur qui lisent par-dessus mon épaule et me soufflent parfois. * Notes en arrêt sur un carnet. A la même place sur l’étagère ou sous la main. Attendent mon heure. * Lettres classées triées gardées dans un dossier comme des photos pour un album. Me reconnaître moi ou un autre. * Silence du poste quand j’écris. Seules des voitures un peu plus loin tracent des traits. * Sur le divan sous la fenêtre l’amour parfois qui fait tomber les mots faciles qu’on n’écrit pas. * La cheminée en plein été. Quand il pleut sur le jardin les gouttes y tombent et laissent des marques. * La lampe la nuit. Et quand tout dort dans la maison

Bernard Noël

Impression générale sur Bernard Noël après l’avoir rencontré à Rennes, avoir lu « extrait du corps », le n°49 de la revue NU(e) et le n°21 de la revue CCP : Ecrire la secousse en épicentre Je, avec tous ses émois collatéraux. Y chercher des liens existants ou n’ayant jamais existé. Co-incidences, liens de connivence entre les catastrophes. Je est une catastrophe et ce lien n’est parfois que simple illusion. Mais trouver cette illusion c’est déjà accepter le lien. Tout tremblement a un lien avec l’illusion. L’intervalle ente l’illusion et la sismologie du corps est inscrit sans doute dans les gènes. C’est à l’artiste qu’il revient de le faire apparaître. Je est au centre du triangle illusion-émotion-art. L’émotion s’exprimant souvent par tremblements, l’artiste doit résister à cette magnitude qui emporte beaucoup de monde. Mais résister n’est pas forcément combattre. Se laisser porter par la confusion fait sûrement avancer plus loin encore. Le poème aussi est dans ce triangle

"Terminus Rennes" de Jacques Josse

Voilà une injustice réparée. Rennes n'était jusqu'alors que peu présente en littérature. De nombreux auteurs y ont pourtant vécu, y ont des attaches, y sont passés, mais sans vraiment que cette ville leur laisse un souvenir tellement important qu'ils éprouvent le besoin de l'écrire dans un ouvrage littéraire. Descartes, Paul Féval, Villiers de L'Isle Adam, Alfred Jarry, Lecomte de Lisle, Chateaubriand y ont bien séjourné mais n'en ont laissé que peu de traces dans leurs écrits. D'autres villes comme Nantes ou Fougères ont eu plus de chance… Jacques Josse est celui par qui cette injustice est réparée. Ecrivain rennais, il est l'auteur de plusieurs recueils de petits textes brefs qui parlent de la Bretagne qu'il aime tant. Dans ce " Terminus Rennes ", il s'agit bien de littérature et non de ces romans du terroir qui fleurissent un peu partout et souvent construits à partir de recettes identiques. Non là il s'agit de faire œuvre

Chantal Dupuy-Dunier

Dans son dernier ouvrage, publié par Yves Perrine (éditions La Porte), Chantal Dupuy-Dunier nous emmène sur un Titanic qui vient coïncider bizarrement avec le naufrage du Concordia. Mais ce livre va au-delà du fait divers et de l'hommage à cet orchestre magnifique, dirigé par Wallace Hartley, qui ne cessa de jouer pendant la catastrophe. C'est aussi une réflexion sur le voyage et comment l’aborde le poète : une traversée dans les coursives du poème avec " tant et tant de portes à ouvrir  / et tous ces couloirs comme des veines nouvelles " . Ces voyages qui " nous portent plus loin que notre finitude / tellement plus loin / que le mot loin paraît étroit ". Au loin, les îles, des oiseaux inconnus, " Des enfants poussent un bateau en papier dans le caniveau ". Au loin, " L'air aura un goût différent / et l'oubli sera plus vaste. " Au loin , " Nous lacérerons le mot banal /en fins rubans tissés de fils d'or ". Belle

Nono, de Thierry Le Pennec

Louis Dubost a eu son "Pas revoir" de Valérie Rouzeau. Que soit donné à Yves Landrein le même succès avec ce "Nono" de Thierry Le Pennec. Cet ouvrage édité en 2009, vient de recevoir le Prix Eugène Livet 2011 et ce n'est que juste récompense. Ici la mort, c'est celle du frère. La mort, cette "cavale blanche" bien connue des brestois. Une mort qui touche une fratrie de sept. La mort vue par un homme et son quotidien. Tout de suite, on a envie d'être ami avec cette fratrie. Il y a de l'amour, de l'humour, de la musique et des mots chez ces gens-là. Et toujours la nature, si chère à Thierry Le Pennec. Une mort en plein milieu pour dire aussi l'après. Le retour dans sa maison, la première Toussaint, le travail avec le fils, l'écoute des chansons aimées ensemble, l'amour aussi et le souvenir, tout le souvenir. Après avoir lu ce livre, écoutez le sublime Denez Prigent et sa chanson "Go

L'Heure dite, d'Henri Deluy

Image
Avec   L'heure dite  édité dans la belle collection Poésie/Flammarion, Henri Deluy poursuit le mouvement engagé avec   Arbres noirs . L'heure est donc au bilan. Des voyages, des amis, des poètes, des instants, des parfums, bref, tous ces moments-clefs d'une existence bien remplie, de poète engagé dans la transmission du fait et de l'action poétique. Mais rassurez-vous, ce bilan-là, n'est pas triste, Henri Deluy cherche plutôt à en rechercher l'intensité pour en tirer un magnifique ouvrage-fragments. Des voyages donc. De Budapest à Riga, d'Alger à Moscou, en passant par Venise, Kaboul, Recife et la Chine . Et plus encore, une tour du monde en une " géographie affective ". Voyager " Et ne pas être heureux / Enfin ". Voyager à la recherche de la langue, d'une écriture. Cette " langue apatride " qui fait se reconnaître les poètes. "Et / Ailleurs / Sans doute / Un lendemain / Les mots ". Le retour pour écrire