Philippe Mathy - Veilleur d'instants

Philippe Mathy, poète belge né en 1956, partage sa vie entre la Belgique et Pouilly-sur-Loire en Bourgogne Nivernaise. Ce n'est donc pas étonnant qu'il aime à collectionner les instants passés au bord de la Loire. Son dernier ouvrage, intitulé Veilleur d'instants est d'emblée placé sous la protection de Cesare Pavese. Mais ce titre n'est pas sans rappeler aussi celui de Gilles Baudry Demeure le veilleur (penché sur l’horizon de la promesse)...

Chez Mathy, cet horizon de la promesse pourrait être cette collection d'instants qu'il accumule au bord du fleuve, comme une pêche miraculeuse, pour mieux approcher l'universel voire l'éternel d'une forme constructive de la mélancolie. Cette "Porte ouverte / sur des chemins perdus", sur cette "lumière désemparée" et cette “attente dévastée / de nos espoirs”.
"Où vont nos jours ? / Où vont nos nuits ?"
Où se retrouver, / quand les jours sont / des barques trouées, / et que l'on est incapable / de marcher sur les eaux ?"
"Nous avançons, / le cœur en miettes. / / Peut-être / faut-il l'offrir aux oiseaux, pour qu'avec leurs chants, / revienne la lumière."
La Loire "jeune fille espiègle qui se déhanche entre les îles." et qui "n'a pas oublié les châteaux de sable de son enfance" (ces fameux bancs de sable où " Y nichent des oiseaux / venus d'Afrique / blancs comme la mémoire / où demain jettera son encre"

Mais le fleuve est aussi une fenêtre donnant sur de nombreuses lumières et d'espaces à explorer. Lumière coulant au bord de l'eau où l'auteur "dans les clapotis de la rive" souris "Aux confidences de l'eau".
"Pierres du chemin, / comme des graines / en flagrant délit de printemps. / / Elles n'osent pas germer, / au risque / de trouer nos âmes."

Philippe Mathy nous résume sa démarche d'écriture en un seul poème : "Bribes de mots / cueillis aux alentour / / On les porte / au-dedans de soi / / On fait silence / pour écouter ce qu'ils disent / / Parfois / ils nous offrent un poème / / Quand nous le lisons / nous découvrons les alentours". C'est bien cela qu'il faut rechercher dans la lecture de la poésie : les alentours du poème.
Au bord du fleuve, se laisser traverser "Peut-être pour te laver / du temps qui va". Regretter peut-être l'absence de l'hiver dans ces saisons au bord du fleuve.
Philippe Mathy, en veilleur de ces instants de silence, ces passages de lumières, "Couché sur le sol / tu roules entre tes doigts / un fragment d'herbe sèche / / Tu t'abreuves  au lait bleu du ciel", sait magnifiquement nous relater ces instants qui deviennent les nôtres dès la première lecture. Dans cette alternance de poèmes et de petites proses poétiques, ponctuées des très belles peintures de Pascale Nectoux, il y a tout du bon moment à partager.
Et moi aussi couché sur le sol, sous le soleil, loin du fleuve, je me laisse emporter par la présence paresseuse de la poésie de Philippe Mathy qui fait du bien dans ces moments effrénés.

Un bel hommage à la Loire mais plus que cela, une belle communion avec la nature pour se rapprocher de soi-même "
Qui pleure en moi / que je ne connais pas ?".


Veilleur d'instants
Philippe Mathy
L'herbe qui tremble
Peintures de Pascale Nectoux
2
017
144p
16€



Article publié également sur le site Recours au Poème






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