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Affichage des articles du 2013

Jean-François Mathé

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Lecture d'un poème exposé dans la vitrine de la Maison Internationale des Poètes et des Ecrivains de Saint-Malo (ville où il a reçu en 2013 le Grand Prix International de Poésie Guillevic-Ville de Saint Malo pour l'ensemble de son oeuvre).

Jean-François Mathé

Chaque nuit devant ma porte revient se coucher le même chemin. Chaque matin il attend que mes souliers lents avec eux l’emmènent. Et derrière moi, pour me remercier, je sais qu’à mon ombre il apprend la danse et le cloche-pied. Jean-François Mathé (inédit)

Passerelle, d'Erwann Rougé

Si cela existait, tous les poètes bretons, ces « bons compagnons de l'océan » dont parlait Guillevic, seraient des « poètes de la Marine » comme il existe des « peintres de la Marine ». Erwann Rougé, avec son dernier ouvrage "Passerelle - Carnet de mer" publié chez L'Amourier, y signerait son entrée de la plus belle façon. Mais fuyant la caricature, c'est bien plus qu'une étiquette-cliché que nous propose ici Erwann Rougé. La mer débarrassée de son excès de sels lyriques y gagne en force, sincérité et en émotion. Ici les îles au trésor, c'est en soi qu'il faut les chercher. Les Boscos  les Capitaines aussi. Situé par Bernadette Griot des éditions l’Amourier « entre recueil et récit », il s'agit tout simplement de poésie. Une poésie écrite à même le blanc de la passerelle d'un navire, à même l'écume fracassée en sillage. Passerelle donc, un titre à plus d'un titre certainement. Passerelle pour notre embarquement sans doute mais au

Sinéad Morrissey

Génétique Mon père est dans mes doigts, ma mère dans mes paumes. Je lève mes mains et les regarde avec plaisir - grâce à elles, je sais que mes parents m'ont faite. Bien qu'ils se soient retrouvés dans des pays séparés, des hémisphères séparés, partageant peut-être le lit d'autres amants, ils se touchent en moi, là où les doigts sont reliés à la paume. Rien ne reste de leur union, que leurs amis en quête de leur image près d'une rivière : mes mains au moins témoignent de leur mariage. J'en fais une chapelle avec un clocher, et quand je la retourne, mon père est dans mes doigts, ma mère dans mes paumes, timide, devant un prêtre récitant des psaumes. Mon corps est leur registre de mariage. Je re-joue la cérémonie avec mes mains. Alors emmène-moi, obéis à l'exigence qu'a la peau de se refléter dans les corps du futur. J'accepte de léguer mes doigts si tu lègues tes paumes. C'est par nos mains que nous savons que nos parents nous

Revue Spered Gouez N°19 sur le thème « Mystiques sans dieu(x) »

Qu'une revue de poésie qui s'appelle "L'esprit sauvage", qui plus est publiée en Bretagne, se consacre à la thématique "Mystiques sans dieu(x)" me parait tout à fait logique. Mais Marie-Josée Christien a réalisé là un bien bel ouvrage empreint d’une humanité et d’un souci du partage qui fait plaisir à lire. Mystique et poésie donc tout d'abord, "quête de lumière et d'intériorité" selon Marie-Josée Christien, cet "obscur vertige des vivants" de Michel Baglin. Cette lumière que l'on pourrait placer "entre le souffle et l'être" comme le fait Brigitte Maillard ou dans "l'ubac intérieur" de Jacqueline Saint-Jean. La poésie comme « pierre de lumière / qui enterre la mort » (Karim Cornali), espace de "liberté intérieure" (Claire Fourier), ou bien comme "quête initiatique fondamentale", "élément central de nos existences qui se cherchent en profondeur" (Marie-Josée Chr

Jean-Pierre Siméon

GIBRALTAR* Ceux-là ne vont pas à la mer pour la mer pas pour nouer leurs rires à la gerbe des vagues pas pour cuire leur sommeil sur le sable ils sont devant la mer debout sous la nuit sans étoiles comme devant l'abîme derrière eux la terre qu'ils aiment harassée dépourvue où il n'y a de choix qu'entre la mort et la mort devant eux rien la mer immense un abîme à franchir comme on doit bien franchir le désespoir ils savent que leur barque est plus fragile qu'un rêve ils savent que là-bas peut-être à l'autre bout du vide la mer recrachera leur corps sur le sable froid ils savent debout devant la mer Ici Jean-Pierre Siméon Cheyne éditeur * à rapprocher des drames récents de Lampedusa et Malte

Chantal Dupuy-Dunier

65 Ma mère est tombée. Ne voient plus les marches, les yeux de ma mère,                                comme dépolis. Ceux qui, si jeunes, m'ont vue naissant,                                     s'éloignent, brumes. (Les mères ne doivent pas chuter. Ce sont les enfant qui trébuchent lorsqu'ils commencent à marcher en leur tenant la main.) 66 Et nous tellement pudiques qu'elles glisseront sans que nous leur ayons dit combien nous les aimons. A l'heure où nos mères viendront à mourir, aurons-nous compris qu'elles tombaient sans vouloir nous déranger? Oh! Ma mère, tes yeux et ta cheville... Les corps n'ont pas le droit.  Chantal Dupuy-Dunier " Mille grues de papier " Flammarion

Guillevic

Guillevic

« Dans le quotidien de la vie, je ne me présentais pas comme poète. Au yeux de tous, j'étais un petit fonctionnaire […]. Moi seul savais que j'avais à porter en moi cette étrangeté qui me poussait à écrire. En somme, c'était comme si constamment je nageais dans des eaux souterraines et que ma vie sociale était un périscope » Cité par Lucie Albertini dans « Guillevic Vivre en poésie ou l'épopée du réel » éditions Le Temps des Cerises

Sylvia Baron Supervielle

Autour du vide saisi ici le vide par un vide plus vaste et plus lucide et plein lance son long vol habité ****** dans l'air sans lieu ni emploi les mots absents des choses se rapprochent de la voix ****** je m'habitue à voir par les fentes du grillage nocturne à écouter contre les murs et le sol à être le cristal qui intercepte  l'invisible ****** sans relâche le circuit qui m'isole s'apprête  à l'ultime tour que je parte au pays le plus ointain ****** que je perde la mémoire la plus proche je ne quitte  pas  la même fenêtre ****** Sylvia Baron Supervielle Extrait de "l'inventaire des choses" une anthologie internationale de poésie contemporaine collection biennale internationale ds poètes en val-de-marne

Emmanuel Dall'Aglio

La fatigue ne ramène plus rien                   dans ses filets Reste le lit défait de chaque mot.                     * Les corps frôlés, que pèsent-ils en nous? Quels minces secrets déchirés, appelés à d'autres riens?                     * Que de paroles, que de pierres lentes à dévaler, lentes à éclater, lentes à s'instruire, à s'aimer, à s'éprendre comme les arbres balaient le ciel et mon courage.                     * Paroles qu'il faut savoir prélever                 comme avec l'aide de fragiles et savants moulages.                     * Le désespoir sait si bien nous relire.                     * Dès qu'un peu de nuit nous revient, pleurer est d'une autre chair. Emmanuel Dall'Aglio Extrait de " Poé/tri, 40 voix de poésie contemporaine " éditions Autement 2001

"vaine pâture" de Jean-Claude Pirotte

je ne suis ni tzigane ni gitan je ne suis pas rom je ne suis qu'un homme qui rêve en marchant frère de ceux traqués sans cesse se retrouvent par des chemins détournés frère de ceux qui souffrent et des enfants édentés au rire miraculeux " vaine pâture " Jean-Claude Pirotte Le Mercure de France

"Dans l'interstice" de Jean-Michel Maulpoix

Griffe encore la page blanche Tourne les clés de l'impossible Ton cœur est une serrure qui rouille Souviens-toi de ce que tu as ailé A ce prix tu pourras survivre. Si importuns soient-ils Les mots sont tout ce qu'il te reste Habille-toi de leurs linges. * Nulle part il n'est de ciel à ta convenance No de terre qui attende tes os Ni de corps qui te délivrera Ni d'âme dont tu puisses espérer te vêtir. Tu vis dans l'interstice Entre la poussière et les dieux Coincé. Les doigts pris dans la porte. Le cri que tu pousses ne réveillera personne. * Nous sommes les naufragés de la langue. D'un pays l'autre nous allons, accrochés aux bois flottés de nos phrases. Ce sont les restes d'un ancien navire depuis longtemps fracassé Mais le désir nous point encore, tandis que nous dérivons De sculpter dans ces planches des statuettes de sirènes aux cheveux bleus Et de chanter toujours avec ces poumons-là L

"La cendre des jours" de Bernard Mazo

La parole du poète nous accompagne parfois elle nous précède mais jamais assurée d'elle-même elle n'a pour toute certitude que d'inscrire une empreinte éphémère au cœur des jours extrait de " La cendre des jours " éditions Voix d’encre

"Ce pays du silence" de Charles Juliet

  quand le doute tranche mes racines quand le dégoût pourrit ma terre quand la détresse ensable mes yeux corrompt mes mots tarit la source ***** toi dont le visage est le miroir où se dénude mon visage prends ma terre humecte-la de tes eaux et pétris-la façonne-la imprime-lui ta ressemblance puis tends vers moi le miroir où mon visage a tes traits

"La face nord de Julliau huit, neuf, dix" de Nicolas Pesquès

Les mots ne nous donnent pas les choses ils nous les enlèvent ils nous enlèvent les dire et les dire : c'est les faire être autrement le temps qu'ils créent, l'espace qu'ils leur accordent sont peut-être les seuls qui existent vraiment à côté de nos illusions