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Affichage des articles du décembre, 2014

Anne de Szczypiorski

     L'angoisse est là, féconde. Sur sa toile se promènent des filles chétives presque belles. Le ciel est figé par sa flèche dans un soupçon de crépuscule, sans joyaux et sans parfum. Le ciel est un tissu opaque et sale. La lumière sinistre d'un holocauste injuste aveugle l'espérance. Il n'y a plus que le « je n'aurais jamais dû » qui ouvre encore un œil hideux parce qu'utile.      Des fleuves de sang séché coulent de l'autrefois, évoquant des enfants squelettiques aux cheveux secs, rêches, ébouriffés et noirs, avec des yeux pareils à des soleils que noircit la fumée des usines.      Les toits perdent leur peau de reptile rugueux et bleuâtre.Le froid feuillette les chairs orange, givre les doigts aux ongles blancs. Le chanvre indien devient morose dans la narghilé et ses rêves sont changés en spectres crochus, gribouillés. L'Absolu flegmatique s'est laissé piétiner. Des lianes massives ligotent les bulles d'enthousiasme qui se divisent en d

Philippe Jaffeux, Alphabet (de A à M)

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Un livre qualifié de «  proliférant et multiforme  » (C.Vercey), «  vertige lucide  » (F.Huglo), « nouvelle énergie » et «  une des plus grandes entreprises littéraire du temps  » (J-P Gavard-Perret), ne peut qu'intriguer et inviter à la découverte. A contrario, le même livre, un pavé de près de deux kilos, au format 21x29,7 pourrait faire fuir. Mais ce nouvel Objet Littéraire Non Identifié mérite vraiment les hommages qu'il reçoit un peu partout. Philippe Jaffeux, qui affirmait «  Le propre de l'homme est de se salir au contact d'une parole transparente  » 1 n'hésite pas à nous nettoyer l'esprit avec toute l'encre des manques, interstices et pages blanches. Revenir aux fondements non pas de la langue mais de la civilisation : l'alphabet (mais qui du chiffre ou de la lettre fut le premier?), et y tenter la fission avec les nombres. Une nouvelle forme de poésie géo[poé]métrique non affiliée à l'Oulipo mais bigrement assistée par les ord

Jérôme Bouchaud et Georges Voisset : passion pantoun

Il n'y a pas que le haïku dans la vie ! Et le pantoun alors ! Importé en France par Victor Hugo dans Les Orientales , le pantoun (et non pantoum comme l'a laissé imprimer Hugo) n'a pas le même succès que le haïku. Jérôme Bouchaud et Georges Voisset tentent inlassablement de réparer cette injustice en multipliant les occasions de faire découvrir leur passion pour cette poésie traditionnelle mais néanmoins moderne. Le pantoun , forme poétique originaire de l’archipel malais-indonésien est un poème à forme fixe, brève, mais différente du haïku et tanka japonais plus connus en France. Le pantoun est en effet le seul parmi ces formes brèves à se décomposer en deux parties : la première, ombre portée  ("pembayang") objective et descriptive, et la seconde, sens  ("maksud") subjectif ou proverbial. Traditionnellement, le pantoun est un quatrain fait pour être énoncé, échangé, récité, chanté, dansé au gré des circonstances de la vie quotidienne (déclaration